(fin du XVIIe siècle et XVIIIe siècle) ; le messianisme en partage.
Introduction :
Bien que depuis 1530, Luther ait adopté une attitude judéophobe [1] à laquelle les luthériens restèrent fidèles à l’époque moderne [2], il ne fut pas suivi par toutes les composantes du mouvement de la Réforme - en particulier par les calvinistes [3]-. Au milieu du XVIIe siècle, l'idée, selon laquelle la Rédemption de l'espèce humaine aurait lieu lorsque les juifs se convertiraient au christianisme, exprimée, en 1643, par le calviniste Isaac de Lapeyrère, dans son ouvrage Du rappel des Juifs, fit son chemin [4]. Les périodes de guerres et de révolutions qui dévastaient l’Europe à l’époque moderne furent propices à l’épanouissement de courants messianiques traversant les différentes religions ; après la Hollande, l'Angleterre de Cromwell fut séduite [5] ; les juifs y devinrent objet de fascination [6]. Menasseh ben Israël, marrane de Madère devenu rabbin d’Amsterdam, sut manier le religieux et le politique et en présentant une magistrale Défense et illustration du judaïsme et des juifs et servir son dessein suprême qui était de hâter la venue du Messie. Il rejoignait ainsi les aspirations messianiques de Cromwell et d’une partie de ses amis. Une meilleure appréciation et un respect accru des lettres sacrées hébraïques sont à mettre, autant que la réadmission des juifs en Angleterre, au crédit de ses talents [7].
Dans la Confédération polono-lituanienne [8], majoritairement catholique, le clergé, occupée à propager le culte marial, ne s’engagea dans l’activité missionnaire qu’au XVIIIe siècle. Une partie de l’Église romaine n’était pas convaincue de l’utilité de convertir les juifs car, selon saint Paul, le temps n’était pas encore venu [9] et ce d’autant que la Constitution de la Diète de 1539 [10] avait donné à la noblesse l’autorité sur les juifs, sources de revenus ; aussi les nobles - tant catholiques que protestants [11] - ne souhaitaient-ils pas les voir devenir chrétiens.
L’initiative missionnaire vint du pape Clément XI qui, en 1704, reprit les termes de la bulle de Grégoire XIII, de 1584, ordonnant de prononcer des sermons dans les synagogues. Toutefois, ce ne fut qu’en 1718, que l’évêque de Cracovie, Konstanty F. Szaniawski, ordonna de prêcher dans les synagogues de son diocèse et que les autres évêques suivirent son exemple ; ces campagnes n’amenèrent alors aucun résultat. Mgr Franciszek Kobielski, évêque de Kamieniec-Podolski, qui reprit l’action, vers 1740, annonça en 1746, avoir obtenu quelques centaines de conversions.
1. Les missions piétistes pour la conversion des juifs :
a. La récupération des premiers convertis.
Dès la fin du XVIIe siècle, les piétistes allemands [12] souhaitant profiter des mouvements hérétiques parmi les juifs, commencèrent à envoyer des missions pour la conversion des juifs de Grande-Pologne, région proche de la Saxe où leur groupe s’était formé.
En effet, dès la fin du XVIIe siècle, certains adeptes de Sabbataj Cwi, après l’apostasie du faux messie en 1668, furent tentés par la conversion. Ainsi, Abraham Carfosi, rabbin de Glogów (Silésie) et ardent sabbataïste, se fit-il baptiser, en janvier 1668, à Gotha. De ce fait, il perdit son poste de rabbin et, selon son autobiographie, erra en Allemagne ; il devint évangélique à Wrocław et étudia les Évangiles à Berlin, à Wolfenbütel, à Leipzig et à Gotha. Ces études lui permirent de devenir docent de langues orientales à l’Université d’Iéna où il resta huit ans [13]. Le pic des conversions se situa entre 1673 et 1678 ; sur sept personnes devenues évangéliques, toutes déclaraient avoir préalablement suivi Sabbataj Cwi ; toutes étaient cultivées mais sans ressources fixes. Elles trouvèrent ainsi des emplois dans les Universités allemandes. D’autres furent favorisés d’une vision nocturne du Christ ; ainsi, Jaakow Melamed qui se convertit avec toute sa famille. Toutes ces personnes bénéficièrent d’une aide solide de l’Église évangélique. Enfin, probablement parce qu’elles furent déçues par l’apostasie de Sabbataj Cwi, certains revinrent simplement au judaïsme [14].
Il faut cependant rester prudent quant à la véracité des faits évoqués car les évangéliques fabriquèrent des biographies de convertis idéaux [15] . Ainsi, en 1723, fut publiée une courte biographie anonyme de Joshua Herszel devenu après sa conversion Fredrich-Albert August - rédigée, en réalité, par son fils qui en publia une autre plus complète un an après la mort, en 1751, d’August. Joshua était né en 1691 à Francfort-sur-l’Oder et avait étudié dans les yeshivot en Pologne avant de rentrer, en 1722, en Allemagne où il termina ses études à Gotha et à Leipzig, puis devint pasteur à Eschenbergen [16].
b. Les missions de l’Institutum judaicum et Mahamedicum de Hälle :
L’Institutum judaicum et Mahamedicum de Hälle - seul centre pour lequel subsiste une documentation [17]- développa une intense activité missionnaire. Cet institut existait depuis 1692 et avait fait de Halle [18] la capitale du piétisme. L’Institutum judaicum était un cours académique destiné aux théologiens protestants souhaitant se préparer au travail missionnaire parmi les juifs. L’un de ses fondateurs, Philipp-Jakob Spener [19], pensait que la venue des juifs à l’Église chrétienne inaugurerait une nouvelle époque. Spener définit un programme de conversions car il n’existait alors aucune institution protestante œuvrant en ce sens autre que l’Institutum judaicum de Strasbourg, fondé en 1650. Johann-Heinrich Callenberg [20] avait voulu, depuis sa jeunesse, travailler à la conversion des musulmans au Moyen-Orient, en Russie et en Tartarie ; plus tard, il se consacra au travail missionnaire parmi les juifs. À l’Institutum judaicum, dont il était devenu directeur, il adjoignit des presses où furent imprimés les Évangiles et autres livres chrétiens en yiddish. Ces ouvrages étaient distribués gratuitement aux juifs aussi, Callenberg écrivit-il un texte pour demander aux chrétiens d’aider financièrement l’œuvre missionnaire de conversion [21].
Johannes-Georg Widmann de Wittenberg (1694-1754) [22] qui parcourait les communautés juives d’Allemagne et de Pologne, affirmait avoir converti plusieurs rabbins ; Johannes-Andreas Manitus qui l’accompagnait notait le contenu des conversations dans le but de le publier. Mais les rabbins qui craignaient les « intrigues catholiques », en dépit de leur intérêt pour les doctrines piétistes, auraient refusé de voir leurs noms imprimés. Widmann, après des discussions avec le grand-rabbin de Grande-Pologne, Jaakov Mordechaj ben Naftali ha-Kohen, croyait voir de nombreux « crypto-chrétiens » en Pologne, aussi espérait-il implanter l’Institutum dans ce pays. Il souhaitait donc aider des grands-rabbins à déclarer publiquement leur foi chrétienne dans le cadre de l’Église évangélique. Cependant, l’exemple du grand- rabbin de Grande-Pologne, notée par Johanes Andréas Manitus, resta unique car les juifs craignaient les « représailles catholiques », c’est-à-dire, la condamnation à la peine de mort. Pour sa part, Jaakov Mordechaj ben Naftali ha-Kohen était persuadé que la fin du monde arriverait dans un délais de 9 ans et que beaucoup de secrets seraient alors dévoilés mais auparavant, il y aurait une guerre et la famine. Le point d’accord portait sur la proximité de la fin des Temps évoquée dans Zacharia, 13 où Dieu annonce ce qui se passera « en ce jour là » et Luc, 18 où le Christ parle du Jugement dernier. Les piétistes eurent aussi une discussion avec le rabbin concernant les obligations de la Tora à la fin de laquelle, tous embrassèrent la Bible hébraïque [23].
En Pologne, les missionnaires devaient se cacher mais ils bénéficiaient, en Grande-Pologne et en Mazovie, du soutien des évangéliques polonais qui les hébergeaient. Ils n’avaient de contact qu’avec les juifs et ne visitaient ni les paysans ni les nobles. Les juifs qui les accueillaient étaient des millénaristes qui s’en cachaient devant leurs coreligionnaires. Curieusement, en 1747, des missionnaires évangéliques furent chaleureusement reçus à Varsovie par l’évêque Józef Andrzej Załuski [24] puis à Cracovie par son frère, Andrzej Stanisław Załuski [25] ; ces prélats voulaient s’informer sur leurs missions et celui de Cracovie les incita à convertir les juifs… au catholicisme [26].
L’Institutum n’était pas le seul à agir pour la conversion des juifs d’Europe centrale. En 1732, Johann-Philip Fresenius (1705-1761) ouvrit un Institut de conversion à Darmstadt qui parvient à amener 400 juifs à l’Église évangélique puis 60 à nouveau [27].
c. Les motivations chiliastiques des missionnaires chrétiens :
Dans les rapports, les motivations des actions de conversions n’étaient pas précisées. Georg Widmann évoqua cependant une vision de 1728 lui indiquant que la fin des Temps viendrait après la conversion des juifs ; comme il prit cette vision très au sérieux, son but missionnaire ne fut plus tant la conversion individuelle, ni même celle d’un groupe que celle de l’ensemble des juifs [28]. De même, le théologien Johann Müller de Gotha (1647-1727) dans ses Lumières du soir (Swietle wieczorny), s’éloignait-il des gens de l’Institutum en prédisant la venue du règne millénaire du Christ après le passage de l’Antéchrist et ce sans prédire le rejet du judaïsme par les juifs [29]. Les missionnaires promettaient aux juifs la venue du Messie et le Grand Tribunal de Dieu au terme duquel les mauvais sujets disparaîtront et seuls resteront les bons [30]. Cependant, dès le début, le mouvement piétiste de Halle chercha à se libérer de la pensée chiliastique [31] ou du moins à en cacher l’existence ; Callenberg tenait à présenter aux donateurs son Institutum comme « orthodoxe ».
Il n’y avait qu’aux partisans du pseudo messie, Jacob Frank, que les missionnaires de l’Institutum ne faisaient pas mystère de leur orientation messianique, persuadés que le baptême des frankistes marquerait le début de la conversion générale des juifs. Notons, qu’on retrouve, chez les auteurs catholiques polonais de la moitié du XVIIIe siècles, en contact avec les frankistes, - le bernardin Gaudencjusz Pikulski [32] ou l’abbé Stefan Mikulski [33] - les mêmes tendances chiliastiques ; dans le Livre des paroles du Seigneur (Ksiȩga słów pańskich, en polonais), J. Frank, s’en fait l’écho [34]. Le judaïsme envisagé alors était celui d’Abraham et non celui de Moïse qui se serait terminé dans les Évangiles. Le 21 mai 1731, à Dobrzyń, en Grande-Pologne, le juif Hirsz avait affirmé que la « continuité » (beiris, en hébreu) de Moïse était déchue et que seule celle d’Abraham subsistait ; le grand-rabbin de Grande-Pologne dénonça cette union entre juifs et chrétiens. Pourtant, les évangéliques tentèrent de convaincre les juifs qu’une adhésion du cœur était possible mais peu nombreux furent les messianistes qui s’y rallièrent [35].
d. La communauté missionnaire évangélique d’Herrnhut [36].
Le comte Nicolas Zinzendorf, évêque luthérien de Moravie [37], fut le promoteur de l’idée d’union sans conversion. Plutôt que de se concentrer sur la doctrine, sa théologie mettait l'accent sur le développement de la relation spirituelle entre le croyant et le Sauveur. La pensée et la pratique de Zinzendorf étaient radicalement œcuméniques dans un monde de limites rigoureusement définies entre le religieux et le politique. Il croyait que chaque confession avait une perception unique du Christ et un apport unique au monde. En 1740, Zinzendorf, en s’appuyant sur Rom. 11, 25, déclara que les juifs seront convertis par un signe du Christ ; le mouvement de conversion sera alors propagé par des juifs, peu nombreux croyant en lui. Le but des missions de la fraternité de Herrenhut était donc de faire comprendre aux juifs leur proximité avec le christianisme. En janvier 1751, Zinzendorf déclara : « Il n’y a pas pire chrétien qu’un ancien juif » ; selon lui, ce qui comptait n’était donc pas la conversion [38]. Position à laquelle Callemberg s’opposa.
La biographie de Benjamin de Piotrków Trybunalski, converti au moment le plus fort de la campagne messianique, dans les années 30 du XVIIIe siècle, a été établie par des gens de Herrnhut. Benjamin naquit en 1716 à Koniecpol mais grandit à Piotrków Trybunalski [39]. À l’âge de 14 ans, il quitta sa famille et s’installa à Gdańsk où il devint marchand. À l’âge de 20 ans, il fut attiré par le « Sauveur », sans rien en dire. En 1737, il vit Jésus en songe et, chassé par les juifs, avec son cousin, il fuit Piotrków mais attendit 1740, date de la venue présumée du messie, pour chercher se convertir. À ces fins, Benjamin erra sans succès, en Hongrie et en Saxe car les pasteurs redoutaient les convertis sans emploi désireux de vivre aux dépens de l’Église. Benjamin, après avoir étudié le catéchisme à Leipzig, fut baptisé le 8 janvier 1739 ; il reçut pour nom Frédéric-Benoît Kirchhof. Sans moyens, il douta rapidement de l’utilité de sa conversion mais se tourna vers l’Institutum de Halle puis vers la fraternité de Herrnhut. En janvier 1741, il communia avec les Herrnhuter et reprit son nom de Benjamin – David ; en 1746 ; il épousa, selon les rites juifs, Esther, une convertie car Zinzendorf, voulait fonder une nouvelle communauté judéo-chrétienne (kehila, en hébreu) [40].
L’idée de kehila était apparue au synode de la fraternité, à Gotha, en 1740. Esther Kirchhof y fut chargée de former une kehila dont pourraient faire partie des luthériens, des calvinistes ou des moraves ; les membres de la kehila auraient pour tâche de convertir les générations suivantes ; cependant, jusqu’à 1750, l’idée ne se développa pas beaucoup. Zinzendorf voulut alors l’exporter à Londres où les juifs étaient nombreux [41] ; en 1751, il acheta une maison à Chelsea et s’y installa mais seuls des convertis s’y joignirent. En 1757, la fraternité envoya le couple Kirchhof en Pologne où des judéo-chrétiens (les frankistes) contestaient le Talmud. Fin novembre 1758, les Kirchhof arrivèrent à Królewiec [42] et Benjamin-David nota que ces groupes qui attendaient le messie n’étaient pas persuadés que ce serait Jésus mais plutôt Sabbataj Cwi. La relation de cette mission, publiée en 1777 par Samuel Lieberkühn [43], se concluait en considérant que l’heure de la conversion n’était pas encore venue. La mission de Kirchhof se soldait donc par un fiasco et à la fin de sa vie, vers 1760, N. Zinzendorf recentra donc ses objectifs sur les païens. En 1764, Ester Kirchhof exprima la même opinion sans pour autant renoncer à la kehila en un lieu séparé ; l’idée fut cependant abandonnée. Toute sa vie, Benjamin-David n’avait donc vécu que de sa judaïté et de la générosité de la fraternité des Herrnhut [44].
2. Les résultats des missions.
a. L’échec des efforts de conversions
Comme l’Institutum judaicum et Mahamedicum, dirigé, entre 1720 et 1760, par Callenberg, les missionnaires de Herrnhut, ne réussirent à convertir personne. L’annonce de 2 000 conversions de frankistes, affichées, après 1756, par les catholiques, causa la confusion chez les piétistes [45] aussi, le second directeur de l’Institutum de Halle, Stefan Schultz, annonça la conversion de 1 000 frankistes qui n’eut, en réalité, jamais lieu, le but étant d’attirer des donateurs pour l’œuvre des missions.
En vérité, les missionnaires, tant évangéliques que les catholiques [46], qui s’occupaient des frankistes ne croyaient pas en leur conversion et ce d’autant que l’opinion publique n’avait pas une idée favorable des convertis, ni en Allemagne [47] et ni en Pologne. L’abandon de l’effort de conversion des juifs, tant par l’Institutum judaicum que par les Hernhuter ou que par Mgr Mikołaj Dembowski [48] fut le résultat du mauvais accueil des juifs par les groupes majoritaires des sociétés.
b. L’enracinement du sabbataïsme.
Le 16 septembre 1666, le pseudo messie, Sabbataj Cwi, fut placé en résidence à Gallipoli ; il y resta plusieurs mois aux frais du sultan Mehemet IV qu’il semble avoir fasciné ; Sabbataj prit le nom de Mehmed [49]. Contrairement à la légende - reprise par Gershom Scholem -, il apparaît que Sabbataj n’avait fait l’objet d’aucune pression pour se convertir à l’islam et qu’il continuait à prier dans les synagogues. Le pseudo messie estimait que c’était Dieu qui l’avait converti à l’islam - ce n’était donc pas un acte d’apostasie - ; il appela son fils Ismaël-Mordechaj signifiant ainsi qu’il n’y avait pas de rupture [50].
Après la mort de Sabbataj, en 1682, son beau frère, Jaakov Kerido se proclama messie à Salonique. Il se convertit à l’islam, suivi par environ 2000 personnes [51]. Selon Kerido, la halacha était l’obstacle principal sur la route qui menait à Dieu ; les fidèles devaient s’en libérer en allant vers une nouvelle Tora. Cette doctrine allait être reprise, après sa mort, en 1702, par Baruch Russo toujours à Salonique. Cependant, Russo considérait la pénétration du christianisme comme une étape vers la Rédemption - ce qui ne l’empêcha pas de convertir son fils à l’islam. À son tour, Jakob Frank se présenta comme le réalisateur de la doctrine de Russo d’autant que ce dernier n’avait laissé aucun écrit mais aurait professé que les trois religions du Livre contenaient une part de vérité [52].
La campagne messianique de 1695 constitue un épisode ignoré de l’historiographie parce que les sources en sont rares [53]. Le seul juif à y faire allusion est Jacob Emden qui écrit, à l’occasion d’une visite qu’il rendit à son père à Altona : « Chachan Cwi Aszkenazi, juif de Lituanie, très grossier, a prédit la venue du messie pour 1695 » [54]. Parmi les chrétiens, le sujet fut abordé plus volontiers. Jan Serafinowicz, ancien rabbin de Brest-Litovsk, converti, notait qu’en 1697, « un juif du nom de Cudyk, prophète du diable, errant en Pologne et en Lituanie, annonçait la venue du messie qui allait condamner les chrétiens ». L’évêque J. A. Zaluski notait qu’en 1694, « un certain rebbe Cadok, annonce le jour de Trąbek où le messie apparaîtra ». L’archiprêtre de Sandomierz, Stefan Żuchowski, mentionna l’agitation messianique qui toucha la noblesse lituanienne dès 1693 [55]. Le catéchumène Mosze ben Aaron décrivait, le 16 juillet 1696, Cadok ben Szemaria de Grodno dans une lettre adressée au Conseil de ville de Schweinfurt, comme un agitateur messianique. Il apparaît donc qu’en Pologne, en Silésie, en Moravie chez les Tchèques, en 1695, les juifs attendaient le messie comme le proclamait rebbe Cadok [56].
Selon Mosze ben Aaron ha-Cohen de Cracovie, on allait voir apparaître alors l’Esprit saint (Shechina, en hébreu). L’attente se solda par un terrible fiasco. Mosze ben Aaron, à qui la communauté juive reprochait d’entretenir des contacts avec des chrétiens, quitta Cracovie, s’installa à Niederwerren près de Schweinfurth et se convertit au luthéranisme sous le nom de Johannes Christianus Kempfer. En réalité, Mosze, qui était hébergé chez le diacre Hennisch à qui il donnait, en échange, des leçons d’hébreu, continua, après 1695, à être sabbataïste. En 1710-1713, Kemper rédigea, sous un nom hébraïque, un commentaire du Zohar intitulé : Mate Mosze we-mokel Jaakov et traduisit les Évangiles en hébreu. Il écrivait que dans le Zohar on trouvait des choses merveilleuses sur les thèmes de la vérité et de la force du christianisme et croyait détecter la Trinité dans les écrits de la Kabbale. Pour Kemper, la conversion avait donc un double sens : le rejet de la tradition rabbinique ; le passage par les autres religions. Ses écrits ne s’adressaient pas aux chrétiens mais aux juifs au point qu’on peut se demander s’il s’agirait d’une littérature de mission [57].
c. Le chemin de la Terre Sainte :
En 1698, le rabbin de Cracovie, Saul ben Heszel, prononça le herem (exclusion de la communauté) contre les hassidim ve anshej maasse qui se montraient très actifs dans la République [58]. Son exemple fut suivi par d’autres rabbins à l’imitation de Cwi Hirsz Aszkenazi de Hambourg, le père d’Emdem. En réalité, ces « nouveaux hassidim » n’étaient rien d’autre que des sabbataïstes.
Les messianistes, pour favoriser la venue du messie, lancèrent alors le mot d’ordre de « pèlerinage à Jérusalem » ; les protagonistes en furent Jehuda-le-hassid de Siedlec, Wolf ha-Levi et Chajim ben Szlomo de Kalisz. Le messie, attendu pour 1706, était Sabbataj Cwi. Le chef du groupe, Jehuda-le-hassid, prêchait près de Grodno où, à la fin du XVIIe siècle, il avait fondé une hevra kaddisha (confrérie sainte) pour regrouper des hassidim [59]. D’autres groupes se joignirent au sien pour quitter la Confédération polono-lituanienne. On y trouvait Cwi Hisrsz Kajdanower de Wilno qui avait longtemps été emprisonné par les juifs pour agitation contre le rabbinat et avait gagné Frankfurt/Main pour y attendre le messie ; il disait tenir ses propos de la bouche d’Herszel Coref, prophète du sabbataïsme, qui voyait en Bogdan Chmielnicki [60], un « mal messianique ». On y trouvait aussi Aaron Jaffe prédicateur itinérant en Pologne qui, en 1702, allait publier à Francfort/Oder, La lumière d’Israël (Or Israël, en hébreu), commentaire du Zohar et des écrits lurianiques pour lequel il reçut le soutien de nombreux rabbins. Cependant, rapidement, ce livre fut interdit ; les frankistes le republient en 1725.
En 1699, le groupe de Jehuda-le-hassid partit pour Jérusalem suivi par des hassidim de l’Ukraine conduits par Chajim ben Szlomo Malach. Au total, selon Johan Andreas Eisenmenger, 31 familles, soit 120 personnes, partirent rejoindre le Messie [61]. Les pèlerins collectèrent de l’argent et construisirent une nouvelle synagogue et des citernes à Jérusalem. Jaakov Emden en décrit l’atmosphère et souligne que les rabbins n’arrivaient pas à s’opposer au mouvement « hassidique » de départ pour Jérusalem [62]. Jan Doktór estime le nombre des pèlerins à 1300 – voire 1500 – car à eux se joignirent des chrétiens dont Ernst Christoph Hochman von Hochenau, piétiste radical et chiliaste de Halle qui rejetait l’Église comme une nouvelle Babylone [63] et attendait l’établissement prochain d’un Royaume de 1000 ans. En 1699, Hochman prêchait pour les juifs près de Francfort/Main [64] et était en relations avec les hevrot kaddisha. Il était l’auteur d’une Lettre ouverte aux juifs publiée anonymement dans laquelle il affirmait que les juifs n’avaient pas besoin de changer de religions car ils formaient « un peuple élu qui jouait un rôle dans l’économie du Salut ». Hochman ne précisait pas si le messie de retour sur terre serait Jésus-Christ. En 1733, il se rendit à Jérusalem avec des hassidim dont il partageait la foi. Il note qu’en 1700, 1300 juifs s’embarquèrent pour Jérusalem dont 500 moururent en mer [65]. De ce fait, beaucoup rentrèrent, dont Wolf Levy de Lublin et les proches de Jehuda-le-hassid, et adoptèrent la foi chrétienne.
En 1714, des juifs, sous la conduite des rabbis Nessaule et Simcha le-hassid et de Chajim Malach, se rendirent à Constantinople puis à Jérusalem. Wolf ha-Levy de Lublin en publia une description en 1715 [66]. Il existe une autre description due à Gedalia de Siermatycz qui raconte la mort de Jehuda. Après cet évènement, Wolf ha-Levy note que le doute s’est installée chez les hassidim ; certains flairaient une escroquerie. En 1705, déjà, les rabbins de Constantinople et de Jérusalem avaient condamné Malach et les hassidim comme sabbataïstes ; ils durent quitter Jérusalem et les juifs se ravisèrent [67]. C’est pour rendre justice aux pèlerins et les laver de cette accusation que Gedalia, à son retour, publia le Szaalu szalon Jeruszalajim [68]. Pourtant, comprenant ce qui les attendait, un grand nombre de pèlerins ne rentrèrent pas mais se cachèrent en Terre-Sainte et une 100 aine d’entre eux passa à l’islam [69]. Parmi ceux qui rentrèrent, Wolf ha-Levi se convertit au christianisme et publia, en 1699, aux frais de l’évêque luthérien, Daniel Ernst Jablonski [70], le Keter Josef de Josef ben Mosze Aszkenazi de Przemysl [71] ; il en tira l’idée que le messie était déjà venu et que les juifs injuriaient le Christ [72].
Conclusions et perspectives :
On pourrait multiplier les exemples de juifs qui se convertirent au cours du XVIIIe siècle, menèrent des carrières d’enseignants dans les Universités allemandes, danoises ou suédoises, imprimèrent des livres de prières tout en considérant Baruch puis Frank comme des messies [73]. La conversion au christianisme - tant dans sa forme luthérienne que catholique romaine - n’impliquait pas pour eux un changement de religion. Aussi, doit-on constater que les efforts des missionnaires de l’Institutum judaicum de Halle à étaient voués à l’échec tout comme les tentatives œcuméniques de la fraternité de Herrnhut. Les protagonistes se l’expliquèrent en reprenant la pensée de saint Paul : « le temps n’était pas encore venu ».
Pourtant, il reste un point fort - sans doute trop négligé des historiens - de cette aventure. Dans le monde des réformés, le messianisme a marqué l’époque. Ceci apparaît de manière éclatante à l’écoute de l’oratorio de Georges Friederich Haendel intitulé Le Messie et composé en 1742. Haendel, est né en 1685 à Halle, sujet du margrave électeur et futur roi en Prusse, Frédéric III. Il fut baptisé dans la confession luthérienne. En 1703, il quitta Halle de façon définitive pour aller s'installer à Hambourg puis en Italie et enfin en Grande Bretagne - avec des allers-retours en Allemagne - à partir de 1712, jusqu’à sa mort en 1759 à Westminster. Comme nous l’avons noté, Halle, Hambourg, Londres furent, au XVIIIe siècle, des villes piétistes et anglicanes où les juifs était nombreux et leurs communautés traversée par des sympathies et des antipathies pour le messianisme dans sa version sabbatianiste.
Le Messie retrace la vie du Christ, depuis l’Annonce par les prophètes jusqu’à la Résurrection. L’œuvre a été écrite pour Pâques, mais est souvent chantée pendant l’Avent, au moins dans sa première partie. « Le texte biblique, induit un ton narratif, contemplatif ou épique, dévolu de préférence au personnage collectif du peuple de Dieu, fort différent de celui des dramatiques des autres oratorios. Israël en Égypte et le Messie étaient donc en leur temps tournés vers le futur […] » [74].
Pour Haendel, bien sûr, le seul messie possible est le Christ. Comme il est dit au morceau 18 de la 1ère partie, « l’annonce de la venue du Christ et sa naissance » : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, il annoncera la paix aux nations » ; les juifs doivent s’en persuader. De même avec le morceau 31 de la 2e partie, « Les souffrances, la mort et la résurrection » : « Il (le Christ) a été retranché de la terre des vivants, frappé pour le crime de son peuple ». Mais, le morceau n°43 de la même partie : « Tu les briseras avec un sceptre de fer, comme les vases de potier tu les casseras » ne rappelle-t-il pas les injonctions des juifs anti-Talmudistes à briser la Loi ? Et, le morceau 49 de la 3e partie : « Le Salut et la victoire apportée par le Christ » : « Alors s’accomplira la parole qui est écrite : la mort a été engloutie dans la victoire » ne suggère-t-il pas une venue préalable de l’Antéchrist à l’ère messianique ?
On ne peut pas faire de Haendel un adepte de la pensée de l’Institutum ni de la fraternité de Herrenhut ; on peut simplement remarquer que comme tout génie, il a su saisir l’air du temps.
[1] M. LIENARD, Martin Luther, un temps, une vie, un message, Genève, 1991, ici : chapitre XII, “Luther et les Juifs”, pp. 259, 274. Voir aussi : Martin LUTHER, Des Juifs et de leurs mensonges (1543). Édition critique. Traduit de l’allemand par Johannes HONIGMANN, introduction et notes par Pierre SAVY, Paris, 2015, Honoré Champion, 216 p.
[2] À la moindre occasion, comme à Hambourg, en 1648, le clergé luthérien prenait la tête de l’agitation contre les juifs, voir : Jean Baptiste NEVEUX, Vie spirituelle et vie sociale entre Rhin et Baltique au XVII° siècle, Paris, 1967, 934 p., ici, p. 754 sq.
[3] Jonathan I. ISRAEL European Jewry in the age of mercantilism (1550-1750), Oxford, 1989, p. 62. Voir encore: J. KAPLAN, « L’impact social et économique de la diaspora judéo-hispanique sur l’Europe occidentale au début de la période moderne », dans S. TRIGANO et coll., La société juive à travers l’histoire, Paris 1993, t. III, pp. 240, 265, voir pp. 253 sq.
[4] B. BEDOS-REZAK, « Tolérance et raison d’État : le problème juif », dans L’État baroque, regard sur la pensée politique de la France du premier XVIIe siècle, textes réunis par Henri MECHOULAN, Paris, 1985, p. 270. Voir aussi : Isaac de LAPEYRÈRE, Du Rappel des juifs, 1643. Texte original présenté et édité par Fausto PARENTE. Traduit de l’italien par Mathilde ANQUETIL-AULETTA, Paris, 2012. Honoré Champion, 176 p., Le livre de Lapeyrère fut immédiatement saisi chez l’imprimeur et presque entièrement détruit. Du rappel des Juifs est un essai d’interprétation théologique du onzième chapitre de l’Épître aux Romains ; Paul y affirme que les juifs n’ont pas été condamnés de manière définitive et qu’avant le Jugement dernier, ils seront tous « rappelés ». Un certain nombre d’entre eux, comme le dit encore Paul, est d’ores et déjà sauvé. Pour cette raison, Lapeyrère conclue que les persécuter est un crime puisque sans le savoir, on peut persécuter des innocents. De plus, il affirme qu’au moment du « rappel », les juifs se réuniront en France et que le roi de France, nouveau Cyrus. Lapeyrère, en tant que calviniste, prenait les Écritures à la lettre et les interprète de manière littérale en s’opposant aux compromis théologiques.
[5] Cecil ROTH, A history of the Jews in England, Oxford, 1989, pp. 149-172 consacrées aux démarches de Menasseh ben Israël pour obtenir la réadmission des juifs en Angleterre. Voir aussi : Lionel IFRAH, L’aigle d’Amsterdam, Menasseh ben Israël, chapitre V : « Cromwell protecteur des juifs », Paris, 2001, Honoré Champion.
[6] J. I. ISRAEL : European…, op. cit., p. 205
[7] Voir : « Présentation » d’Israël et les nations au XVIIe siècle, textes réunis par Daniel TOLLET, numéro thématique de XVIIe siècle, 1994 ( 2/183 ), pp. 211- 220.
[8] Cet article reprend, à l’usage du public francophone et non polonophone, le travail de Jan DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej zawieruchy (1648-1792) Warszawa, 2012, 314 p.
[9] Rom. 11, 25, 26 : « Car je ne veux pas frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c’est qu’une partie d’Israël est tombée dans l’endurcissement, jusqu’à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi, tout Israël sera sauvé selon ce qui est écrit : le libérateur viendra de Sion et il détournera de Jacob les impiétés ».
[10] Chaque Diète de la République nobiliaire votait une Constitution. Ces textes ont été rassemblés au XVIIIe siècle et imprimés au XIXe siècle dans les Volumina legum ; Przedruk zbioru, Petersbourg, 1860.
[11] C’est ce qu’explique le polémiste protestant polonais, Marcin KROWICKI, Chrześciańskie a żałobliwa napominanie do Najaśniejszego Jego Królewskiej Miłości Majestatu i do wszystkich panów wielkich, małych, bogatych i ubogich, (Admonestations…) Magdebourg, 1554, B. OTOWINSKA et J. TAZBIR (édit.), Warszawa, 1969, cité par Wojciech KRIEGSEISEN, Stosunki wyznaniowe w relacjach państwo-kościół miȩdzy reformacją a oświeceniem, Warszawa 2010, p. 506.
[12] Le piétisme fut fondé par Philipp Jacob Spener (1635-1705), pasteur luthérien de Francfort-sur-le-Main. En 1670, Spener forma des collèges de piété (collegia pietatis) qui répondaient à la demande d’une plus grande ferveur. En 1689, Joachim Feller, professeur à l’Université de Leipzig, se servit du terme piétiste pour désigner les adeptes de Spener. Ce mouvement mystique de retrait du monde, pour tenter de fuir les malheurs de la civilisation et pour se diriger vers une foi réfléchie, se développa en Allemagne. Il gagna Leipzig, Berlin, Augsbourg et la nouvelle Université de Halle fondée en 1691 sous la férule d’un des principaux disciples de Spener, August Hermann Francke.
[13] Voir, J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 22.
[14] Ibidem, pp. 23-25.
[15] Voir : Elisheva CARLEBACH, Divided souls – converts from judaism in Germany, New Haven-London, 2002.
[16] Voir, J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 26. Au XIXe siècle, des compilations de bibliographies furent publiées, parfois en contradiction les unes par rapport aux autres, elles étaient en réalité des fictions. Au total, on sait seulement qu’un grand nombre des convertis sont devenus lecteurs d’hébreu dans les Universités allemandes.
[17] Les sources concernant les activités missionnaires en direction des juifs au XVIIIe siècle sont peu nombreuses car elles furent épurées par les organismes missionnaires et par les juifs qui voulaient cacher leur conversion. Les documents de la Mission de Halle, qui débutaient en 1730, furent détruits entre 1782 et 1792 par les directeurs successifs dans le but en était de cacher les activités de l’Institutum car après cinq ans d’efforts sans résultat, les missionnaires renoncèrent, en 1735, à discuter avec les sabbataïstes. L’Institutum Judaicum fonctionna jusqu’en 1791. Voir, J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 14-16.
[18] Halle-sur-Saale » est une ville située dans le Land de Saxe-Anhalt, dans l’est de l’Allemagne, entre les contreforts du Harz et la plaine germano-polonaise.
[19] Voir plus haut, note n° 15 ;
[20] Johann Heinrich Callenberg (1694-1760), orientaliste et théologien luthérien, professeur à l’Université de Halle fonda une institution pour les missions protestantes en Orient. Voir : Thomas J. MÜLLER, « Die Archivalien zu J. Callenberg und dem Institutum Judaicum », dans Hallesche Beiträge zur Orientwissenchaft, 16 (1994).
[21] Johann Heinrich CALLENBERG, Bericht an einiger christliche Freunde von einen Versuch, das arme judische Volck zur Erkenntnis und Annehunung der Chistlischen Warheit anzuletein, t. 116, Halle, 1744. En 1732, il obtint, du roi de Prusse, un privilège de publication des livres orientaux et ouvrit son officine qui édita 60 volumes et allait poursuivre son œuvre après sa mort avec un total de 78 volumes, Auparavant, les comptes-rendus des missions étaient publiés en Pologne et les missionnaires disposaient de la littérature piétiste allemande traduite en polonais en 1715-1716 et éditée par A. H. Francke. La traduction en était due à Michel-Bogusław Ruttlich, professeur au lycée (luthérien) de Toruń, à partir du livre de Johan ARNDT, Vier Bücher von wahren Christentum. voir J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 37-38.
[22] Voir Jan DOKTOR, « Georg Widman und die Anfänger der pietischen Judenmission », dans Kwartalnik Historii Zydow, 232 (XII, 2009), pp. 449-458.
[23] J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 41-46.
[24] Józef-Andrzej Załuski (1702-1774), évêque de Kiew, prédicateur, homme politique, poète, mécenne et bibliophile. Il fut l’organisateur, avec son frère, de la Bibliothèque Zaluski, ancêtre de la Bibliothèque nationale de Pologne.
[25] Andrzej-Stanisław Kostka-Załuski (1695 –1758), après des études à Gdansk puis à Rome, il fut évêque de Plock, de Łuck, de Chełmno puis de Cracovie (1746) ; il soutenait les jésuites. De 1735 à 1746, il occupa les fonctions de grand-chancelier de la Couronne. Comme homme politique, il était partisan des réformes. Il fut, avec son frère Andrzej-Stanisław, co-fondateur de la Bibliothèque des Zaluski.
[26] J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 49.
[27] Voir : J. F. A. De Le ROI, Die evangelische christenheit, t. 1, Karlsruhe, 1884, pp. 351-357.
[28] Ainsi s’explique la présence de missionnaire évangélistes en pays catholiques : la Pologne, l’Autriche, la Bavière et ce d’autant que parmi les piétistes convaincus, on compte un bon nombre de juifs convertis. Voir : J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 51. À propos du pseudo messie, Jacob Frank, voir : D. TOLLET, « Le messie peut-il se convertir ? Les pseudo conversions de Jakob Frank au milieu et à la fin du XVIIIe siècle », dans Les convertis : parcours religieux, parcours politiques (XVIe-XXIe siècles),sous la directions de Philippe MARTIN et Éric Suire, , Paris, 2016, Classique Garnier, t. 1, pp. 257-272.
[29] J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 53-54.
[30] Ibidem, p. 55.
[31] La doctrine chiliastique voulait que les élus vivraient mille ans de paradis, après le Jugement dernier L’idée d’une apocalypse imminente et de l’avènement d’un Royaume des saints, largement répandue dans les mouvements médiévaux de pauvreté volontaire, trouva dans la pénitence une façon de s’identifier au Christ et aboutit rapidement à un sentiment de perfection et de Salut qui ne s’embarrassait plus de l’Église et de ses rites.
[32] Voir l’œuvre de Gaudencjusz PIKULSKI, Złość żydowska przeciwko Bogu i blizniemu … na objasnienie Talmudystów (La méchanceté juive contre Dieu…), en polonais, chez Jan Szlichtyń, avec privilège, à Lwów, 1760, 790 p.,
[33] Szczepan (Stephan) z Mikulicz, archidiacre et administrateur de la cathédrale de Lwów. Voir : Aleksander KRAUSHAR, Frank i Frankisci polscy (1726-1816) (Frank et les frankistes polonais), Kraków, 1895, 2 vol., t. 1, pp. 149 sq.
[34] Jakub FRANK, Ksiȩga słów pańskich, Jan DOKTÓR édit., Warszawa, 1997, p. 245.
[35] J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 56
[36] La communauté missionnaire d’Herrnhut, fondée en 1722 par Nicolas-Louis Zinzendorf sur ses terres de Berthelsdorf, accueillait des persécutés moraves et bohêmes germanophones ; elle faisait partie de l’Église morave. Voir : Robert L. GALLAGHER, “Zinzendorf and the Early Moravian Mission Movement”, dans : Missiology 36 , n°. 2 (avril 2008).
[37] Nicolas-Louis, comte de Zinzendorf (1700 -1760) est né à Dresde ; il fut un réformateur religieux et social. Zinzendorf voulait mettre en oeuvre les idéaux piétistes de Spener sans avoir l’intention de fonder une organisation religieuse distincte de l’Église luthérienne mais en créant une association chrétienne dont les membres agiraient par la prédication et en démontrant une bienveillance pratique qui pourrait réveiller le luthéranisme. Il croyait que les chrétiens pouvaient vivre dans l’amour et l’harmonie en une communauté de foi, ou congrégation (Gemeinde en allemand). Zinzendorf enseignait que le Sauveur avait une relation particulière avec chaque croyant différente de celle qu’il avait avec la congrégation. Les décisions relatives à l’interprétation de l’Écriture devaient être faites en commun et non individuellement. Zinzendorf croyait que c’était la congrégation et non l’institution ecclésiastique et politique, qui était vraiment l’Église de Jésus-Christ.
[38] J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., p. 57.
[39] Koniecpol est une ville de Pologne, située dans le sud du pays, dans la voïvodie de Silésie. dans le powiat de Częstochowa. Piotrków-Trybunalski est située en Petite-Pologne (au centre de la Pologne actuelle).
[40] Voir : Ch. DITHMAR, Zinzendorf nonkonformistische Haltung zum Judentums, Heidelberg, 2000, pp. 279-282.
[41] Voir Gustav DALMAN, Zinzendorf und Lieberkühn. Studien zur Geschichte des Judenmision, Leipzig, 1903, p. 33.
[42] Królewiec, est le nom polonais de la ville de Kaliningrad (anciennement Königsberg). Mais, il peut également s’agir d’une localité de Basse-Silésie, de Mazurie ou de Petite-Pologne portant le même nom.
[43] Samuel Lieberkühn (1710–1777), théologien évangéliste allemand. Son rapport s’intitule : « Nachricht von der Bemühung der Bruder Gemeinde zu Beförderung der Judenbeckehrung », il figure dans les archives de Herrnhut sous la côte : U.A.R 15.10 nr 7.
[44] Les données concernant Benjamin de Piotrków Trybunalski sont extraites du livre de J. DOKTOR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 190-200.
[45] Ibidem, p. 60. Les frankistes se convertissaient au catholicisme dans la République nobiliaire afin d’échapper aux sanctions des tribunaux rabbiniques.
[46] G. Pikulski soulignait qu’ils savaient le judaïsme mauvais, le Talmud fautif, que le messie est venu sur Terre, que Dieu est Trinité mais ils ne se convertissaient pas. Voir : Złość żydowska przeciwko Bogu…, op. cit., p. 58
[47] Le 20 juillet 1744, le Conseil royal de Prusse interdit les conversions de juifs qui n’auraient pas mené précédemment une vie exemplaire.
[48] Mikołaj Dembowski (1680-1757) évêque de Kamieniec depuis 1743, secrétaire du roi, chanoine de Płock et de Varsovie, partisan des Saxons et lié à la Cour d’Auguste III qui le nomma en 1757 archevêque de Lwów.
[49] Voir la « relation de Baruch d’Arezzo, Zikaron Lewy Israël », dans David J. HALPERIN, Sabbataj Cwi, Oxford, Portland, 2007, pp. 43-101.
[50] Voir : J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 83-93.
[51] Voir : Isaac BEN ZWI, The exiled and Redeemed, Philadelphie, 1957, p. 138.
[52] Voir : J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 100-102.
[53] Les actes de la Diète des Quatre Pays (Pologne) ne mentionnent pas cet épisode - pas plus que les séquences messianiques à venir au XVIIIe siècle -. Voir : Sejm czterech ziem - żródła, Jakub GOLDBERG i Adam KAZMIERCZYK (édit), Warszawa, 2011, 470 p., Wydawnictwo sejmowe.
[54] Jacob EMDEN, Torat kanot, Amsterdam, 1725, p. 36 b. Jacob Israël Ben Ẓebi, dit Emden (1697-1776), ashkénaze - qui dans les sources non-juives est appelé Jacob Hertzel ou Jacob Hirschel - était un rabbin , savant talmudiste et adversaire du mouvement du «faux Messie», Sabbataj Cwi. . Il incarnait la transition du pré-moderne à l’époque moderne, bien qu’il eût prôné un stricte traditionalisme. Voir : Mémoires de Jacob Emdem ou l’anti-Sabbataï Zewi, traduit de l’hébreu par Maurice-Ruben HAYOUN, Paris, 1992, Cerf, 416 p.
[55] Stefan ŻUCHOWSKI, Proces kriminalny, Sandomierz, 1713, p. 38.
[56] Voir : J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 103-105.
[57] Ibidem, pp. 104-117. Il s’installa en Suède et travailla comme « informateur hébraïque » à l’Université de Nuremberg en compagnie de J. C. Wagenseil puis Philippe E. Christfels (ex-Mordechaj ben Mosze Szemaja). Enfin, il travailla à l’Université d’Uppsala.
[58] Voir : Majer BAȽABAN, Historja Żydów w Krakowie i na Kazimierzu…, Kraków, 1936, t. 2, pp. 109 et 263.
[59] Les membres de sa secte ne mangeaient pas de viande en dehors du shabbat ; ils se nourrissaient de pain et d’olives, se baignaient dans l’eau froide, dormaient sur la terre et passaient leur temps à lire
[60] Bogdan Chmielnicki avait été le chef de la révolte d’Ukraine en 1648 au cours de laquelle de nombreux juifs furent massacrés. Voir : Nathan Natha HANNOVER, Le marais profond (en hébreu : Javein meçula), texte traduit et présenté par J.P. OSIER, Paris, 1982, Cerf.
[61] J. A. EISENMENGER, Endecktes des Judenthums, Frankfurt, 1700, II Theil, pp. 667-668. Johann Andreas Eisenmenger (1654-1704) était un chrétien hébraïsant et essayiste allemand, principalement connu pour ses pamphlets contre le judaïsme et sa critique du Talmud. Son livre Entdecktes Judenthum (Francfort, 1700) fut publié en dépit des efforts de financiers juifs. Ses principales publications sont : Entdecktes Judenthum, 1711, Traduction anglaise (abrégée) par Stehelin, John Peter sous le titre Rabinical Literature : The Traditions of The Jews, J. Robinson, 1748, ).
[62] Jaakow EMDEN, Zot tora ha-kanaot, Lwów, 1870, pp. 56-57.
[64] Voir : Heinz RENKEWITZ, Hochman von Hochenau (1670-1721). Quellenstudie zur Geschichte des Pietismus, Witten, 1969, p. 254.
[65] Voir : Johannes WALLMANN, Der Pietismus, Göttingen, 1990, p. 99.
[66] Wolf ha-LEVY, Die wahre Gott – Gelassenheit des Ertz Vaters Abraham und seines Sohnes Isaac… Voir : P. BEER, Geschichte, Lehren und Meinungen aller bestandenen und noch heute bestehenden religiösen. Sekten der Juden und der Geheimlehre oder Kabbalah, Brünn, 1823, t. 2, p. 299.
[67] Voir Israël HALPERIN, « Der Waad arba araçot in zagne bacijung mit ogoland », dans Historisze szriftn fun Yvo, t. II (1937) p. 77
[68] Gedalia mi-SEMECZ, Szaalu szalon Jeruszalajim, Berlin, 1716.
[69] L’auteur (1ère moitié du XVIIIe s.) du Chewrat he-chassidim, p. 140, affirme que la plupart des hasidim sont rentrés en Europe. Le livre a été publié par Aaron FREIMANN, dans Historisze szriftn fun JIWO, t. 12 (1937).
[70] Daniel Ernst Jablonski était un théologien protestant né à Gdańsk en 1660 et mort à Berlin en 1741. Il était petit-fils de Coménius. Il fut pasteur à Magdebourg, recteur du gymnase de Lissa, prédicateur du roi de Prusse, et travailla par ordre de ce prince à la réunion des communions protestantes. On a de lui un catéchisme de 1708, des Sermons, des traductions de R. Bentley et de Burnet, et une correspondance avec Leibnitz, en latin (publiée par Kappe ; Leipsick, 1745), sur la conciliation des sectes protestantes.
[71] Le livre est l’œuvre de Nehemiah Hiyya ben Moses Hayyun, (vers 1650 - vers 1730) kabbaliste de Bosnie . Ses parents, descendants de sépharades , vivaient à Sarajevo , en Bosnie (alors partie de l’ Empire ottoman ), où probablement il est né, bien que plus tard, il a prétendu qu’il était un émissaire palestinien né à Safed.
[72] Franz Luthar PHILIPPI, « Weg zu Jerusalem », dans Die wahreGott-Gelassenheit der ErtzVaters Abrahams…, 1715, s. l.
[73] Voir : J. DOKTÓR, Misjonarze i Żydzi w czasach mesjańskiej…, op. cit., pp. 130 -
[74] Voir : Edmond LEMAITRE, Guide de la musique sacrée et chorale profane, Paris, Fayard, 1992, p. 422.
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