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Janusz Korczak : la démocratie au service de l’éducation

  • Photo du rédacteur: Aurélie Collart
    Aurélie Collart
  • 16 mai
  • 14 min de lecture


Les décennies ont passé et le nom de Janusz Korczak reste associé, dans les mémoires, au sacrifice d’un homme dévoué pleinement aux enfants dont il avait la responsabilité. S’il est surtout connu pour avoir choisi d’accompagner les enfants de l’orphelinat dont il était le directeur vers le camp d’extermination de Treblinka, son utopie pédagogique demeure néanmoins fascinante et propice à la réflexion. Janusz Korczak mérite, dès lors, d’être reconnu pour ses idées sur l’enseignement tout autant que pour ses qualités humaines.



Janusz Korczak  juif pédagogue
Janusz Korczak

Janusz Korczak faisait partie des personnes dont il est impossible de citer, de manière exhaustive, la liste des compétences, des savoirs et des apports à la société. Homme aux talents multiples, il était à la fois éducateur, médecin, romancier, pédagogue, conférencier, journaliste, etc. Partout là où il voyait de l’injustice et de la souffrance, il mettait tout en œuvre pour améliorer le monde qui l’entourait et le quotidien de ses contemporains, surtout des enfants qu’il s'efforçait à rendre plus heureux. Il était particulièrement sensible à l’injustice sociale et est reconnu comme un précurseur des droits de l’enfant. 


Un rappel biographique


Né Henryk Goldszmit, vraisemblablement en 1878, dans une famille juive bien intégrée, aisée et éduquée, mais particulièrement étouffante, le jeune garçon reçoit l’instruction d’une gouvernante jusqu'à ses 7 ans, puis est envoyé à l’école primaire russe. Cette expérience a profondément inspiré ses idéaux pédagogiques. Il en retient, en effet, un profond ennui ainsi qu’un sentiment d’injustice lié au manque de respect des adultes envers les enfants. 


A l’âge de 12 ans, alors que son père, autrefois un grand avocat, est interné en hôpital psychiatrique, il est forcé de subvenir aux besoins de sa famille en pleine débâcle financière. C’est en devenant précepteur qu’il développe un intérêt pour la pédagogie.


En 1896, son père décède et il écrit un premier roman, Suicide, ainsi qu’un article de journalisme, “Le noeud gordien”. Deux ans plus tard, dans le cadre d’un concours littéraire, il utilise, pour la première, fois le pseudonyme de Janusz Korczak, inspiré du nom d’un aristocrate, personnage d’un roman polonais. 


La même année, il entame des études de médecine. C’est au cours de son cursus médical qu’il commence à s’intéresser à la pédagogie. 


Particulièrement ému par la misère noire qui touche certains enfants, il leur dédie son premier livre, Les enfants de la rue, publié en 1901. En 1905, le roman Les enfants de salon connaît un grand succès. Il s’agit d’une semi-autobiographie relatant le quotidien d’un jeune médecin des quartiers pauvres de Varsovie. 


1905 est aussi l’année où il est diplômé et où la guerre éclate entre la Russie et le Japon. Korczak est envoyé au front comme médecin militaire pour l’armée russe. Il en revient avec un sentiment de dégoût profond pour la guerre qu’il décrit en ces termes : « La guerre est une abomination. Surtout parce que personne ne dit combien d’enfants ont faim, sont maltraités et sont laissés sans protection. Avant d’entrer en guerre, une nation devrait prendre le temps de penser aux enfants innocents qui vont être blessés, tués ou se retrouver orphelins. Aucune cause, aucune guerre ne vaut la peine de priver les enfants de leur droit naturel au bonheur. Il faut penser aux enfants avant de faire la révolution ». 


A son retour du front, en 1906, il devient pédiatre dans un hôpital pour enfants démunis de Varsovie et ouvre son propre cabinet médical. En 1907, il travaille également comme éducateur dans une colonie de vacances pour enfants juifs de milieux défavorisés. L’école de la vie, ouvrage dans lequel il expose son idéal pédagogique, date de la même année.


Janusz Korczak orphelinat 1935
Janusz Korczak dans la cour de l'orphelinat, à Varsovie (photo prise autour de 1935 - photo libre de droits)

En 1912, avec l’éducatrice polonaise Stefania Wilczynska, il inaugure “Dom Sierot” (La Maison des Orphelins), un des plus beaux orphelinats du continent qui accueille des enfants juifs et dont le projet pédagogique est des plus avant-gardistes. Il en devient le directeur et abandonne son poste à l’hôpital, mais continue de recevoir des patients dans son cabinet privé, gratuitement pour les plus pauvres. Son rôle d’éducateur prend alors le pas sur celui de médecin car, selon lui, la médecine peut améliorer la santé du corps humain, mais pas améliorer les hommes ni le monde lui-même. 


Lorsque débute la Première Guerre mondiale, Henryk Goldszmit est envoyé dans un hôpital de campagne de l’armée russe, puis à Kiev et rédige son fameux traité de pédagogie : Comment aimer un enfant (1919). 


C’est la même année qu’il devient le directeur pédagogique de l’orphelinat “Nasz Dom” (Notre maison), fondé par la célèbre pédagogue polonaise Maria Falska à destination des orphelins de guerre polonais (catholiques). Les deux orphelinats connaissent un grand succès et les visiteurs s’étonnent devant la bonne humeur des enfants. 


En 1921, il publie son roman pour enfant Le Roi Mathias 1er, qu’il fait suivre en 1923 par Le Roi Mathias sur une île déserte. C’est l’histoire d’un jeune roi qui, contre l’avis des adultes, essaie d’instaurer la démocratie chez les enfants de son peuple. 


Dès 1925, il devient médecin-expert auprès du Tribunal pour les jeunes délinquants.

Il crée aussi, en 1926, un journal, la “Petite revue”, dont il est le seul adulte à siéger au Comité de Rédaction et dont les 2000 jeunes correspondants de presse reçoivent un petit salaire.


Korczak est considéré comme un précurseur des droits de l’enfant, notamment grâce à la publication de deux textes : Le droit de l’enfant au respect (1928) suivi de Les règles de la vie (1929). Le premier est adressé aux adultes, le second aux enfants. Les droits les plus inviolables étaient pour lui le droit au respect et le droit à être aimé.


A partir de 1934, il voyage en Palestine et développe un intérêt pour les kibboutzim. La même année, il crée une émission de radio pour enfants - les “Causeries du vieux docteur “ - dans laquelle il fait part de son expérience et se confie sur son histoire personnelle. Après avoir fait l’objet de premières manifestations d’antisémitisme en 1936 - on lui retire les émissions radio qu’il diffusait et il est renvoyé du Tribunal -, il envisage sérieusement d’y émigrer, comme l’ont déjà fait de nombreux enfants juifs de son orphelinat, mais, très vite, il se résigne et décide de rester pour protéger ses pupilles. 


En 1937, il reçoit la plus haute distinction de l’Académie polonaise, une récompense pour son impressionnante production littéraire riche d’un millier de textes parmi lesquels pas moins de 24 ouvrages. Ses écrits journalistiques se démarquent par leur humour, leur audace et leur grande variété. Korczak traite de sujets aussi divers que la réalité des quartiers défavorisés, l’actualité, les coutumes, les idées reçues et les comportements sociaux, mais il s’épanche également sur l’éducation parentale et institutionnelle, notamment à l’égard des filles, qu’il critique en même temps que la moralité et l’hypocrisie de la bourgeoisie bien-pensante. De plus, il écrit à la fois pour les adultes et pour les enfants, sous des formes aussi diverses que des billets journalistiques, des contes, des poèmes, des romans, du théâtre, des essais pédagogiques, des émissions de radio, etc. Son activité littéraire ralentit dans les années trente, lorsqu’il développe un intérêt croissant pour le judaïsme, la culture juive et, notamment, les Kibboutzim.


En novembre 1940, l’orphelinat Dom Sierot est déplacé dans le Ghetto de Varsovie. Janusz Korczak se rebelle contre la Gestapo et est incarcéré mais, un mois plus tard, il est libéré par des trafiquants. A partir de ce moment, toutes ses actions se concentrent sur son combat pour le maintien de la dignité de ses protégés et leur survie. Il passe ainsi beaucoup de temps à mendier de la nourriture pour les orphelins et rédige son Journal du ghetto. 


Le 22 juillet 1942, la Gestapo commence les rafles. L’évacuation massive des orphelinats juifs survient au mois d’août. Janusz Korczak et ses 200 pupilles n’échappent pas à la déportation massive et sont embarqués dans les trains en direction du camp d’extermination de Treblinka où ils sont tous assassinés à leur arrivée. Le directeur de l’orphelinat et tout le personnel ont choisi d’accompagner les enfants, alors que le choix leur avait été laissé d’échapper à la déportation. Qu’ils aient été conscients ou non de l’issue fatale qui leur serait réservée, leur décision les élève au rang de martyrs. Bien que la co-directrice de l'orphelinat, Stefania Wilczynska, ait également fait partie du convoi, l’histoire semble toutefois avoir accordé à son acte de bravoure moins de tribut qu’à celui de Korczak.


tombe Janusz Korczak
Tombe de Janusz Korczak (Varsovie, Pologne)

L’école de la vie : l’utopie de Korczak


Dans son ouvrage L’Ecole de la vie, publié en 1907, alors qu’il n’avait pas encore ouvert son orphelinat “Dom Sierot”, Korczak expose ses idéaux en termes d’éducation. 


L’Ecole de la vie est écrit sous la forme d’une fable mettant en scène un ouvrier polonais qui publie son propre petit livre intitulé “L’Ecole de la vie”. Il y défend un type d’enseignement qu’il oppose à « l’école de la mort », une école qui est séparée de la vie, où les rapports entre maître et élèves sont extrêmement formalisés et où l’on favorise les cours ex cathedra. 


Korszac y écrit : « On dit que notre école a aboli la période heureuse de l'enfance. C’est juste le contraire qui se passe : nous avons imprégné toute la vie de l'enfance. L’enfant est heureux quand il déchiffre les secrets magnifiques de la vie autour de lui et notre élève adulte continue à le faire. [...] Les élèves des « écoles de la mort » reçoivent une réponse avant qu’ils s’éveillent à une question, une réponse superficielle, souvent cyniquement affirmative et arrogante. Ils ont donc peu de chances de poser les bonnes questions, et craignent des vérités nouvelles. [...] Un élève de notre école jette autour de lui le regard curieux d’un enfant. Il pose toujours des questions et continue à réfléchir jusqu’à sa vieillesse ; il est heureux si les autres aussi regardent autour d’eux, réfléchissent et agissent. Et il n’est jamais seul. »


Korczak raconte dans son livre qu’un extravagant et richissime Américain, trouvant l’idée formidable, lègue toute sa fortune à l’auteur du livre, lequel décide de créer une « école de la vie » dans la capitale polonaise. L’école n’est pas un établissement ordinaire puisqu’il s’agit d’une maison pour les enfants orphelins. Dans la suite de son livre, Korczak s’emploie à brosser le tableau de cette institution pour le moins particulière, construite comme un grand campus où se côtoient des salles de classe, une crèche, une école maternelle, des ateliers de production, une vaste bibliothèque publique, un hôpital, un refuge pour les sans-abris et une sorte de banque prêtant de l’argent aux pauvres selon un modèle présageant l’actuel micro-crédit. De plus, une dépendance est installée à la campagne dans le but de “régénérer les individus corrompus par les vices de la vie urbaine”.


Dans la lignée de l’Ecole nouvelle et de la pédagogie active favorables à un apprentissage actif et autonome, la vision pédagogique de Korczak rejoint celle d’autres grands pédagogues de son temps tels que Maria Montessori, Johann Heinrich Pestalozzi, Ovide Decroly, Célestin Freinet ou, encore, Fernand Deligny, une référence majeure de l’enseignement spécialisé. Tous s’accordent sur l’importance de susciter la curiosité et la soif d’apprendre chez les élèves en se focalisant sur leurs centres d’intérêt respectifs. L’enseignement doit également être global, pluridisciplinaire et inclure tous les domaines utiles à la vie en société et à la vie active. Ainsi, pour assurer le progrès global d’une personne, l’apprentissage de la vie sociale est aussi important que le développement intellectuel et l’éducation artistique, physique et manuelle.


Passionné par l’étude du développement et de la croissance des enfants ainsi que par la nutrition et la puériculture, Korczak intègre, lui aussi, dans son École de la vie, tout ce qui lui semble nécessaire au bon développement de l’enfant. 


enfants de l'orphelinat de Kroczak
Photo de groupe de l'orphelinat de Nasz Dom (entre 1920 et 1928), Varsovie

Korczak voue, par exemple, un culte au travail. Pour lui, il faut initier les enfants au travail dès le plus jeune âge, en fonction de leurs capacités. Il rejoint en ce sens les enseignements de la célèbre pédagogue Maria Montessori. En effet, selon lui, le fait d’exécuter des tâches précises et d’en être responsable participe au développement intellectuel de l’enfant. A l’Ecole de la vie, le travail est donc au cœur de l’enseignement. Tout le monde travaille sept jours par semaine, y compris les petits de l’école maternelle. A ce sujet, Korczak écrit : « Dans l'école maternelle, les enfants jouent, s’amusent dans le jardin, mais ils sont aussi employés pour faire du travail utile qui correspond à leur niveau de développement physique et mental. Ils mettent des savons dans des boîtes, préparent des pansements, collent des étiquettes et des images, ferment des boîtes. Ils s’occupent d’oiseaux domestiques qui vivent dans la basse-cour, cousent des boutons, plient des papiers, certains aident à surveiller des couloirs. Tous les départements de l'École de la vie, sans exception, peuvent utiliser le travail des enfants de cinq ans.” 


Korczak a pour ambition de revaloriser le travail, y compris manuel, mais également le travailleur lui-même. Il est convaincu que tout travail se vaut, qu’il n’y a pas de tâches plus ingrates que d’autres et que la clef du succès d’une communauté est la collaboration entre les travailleurs, tous domaines confondus : « Avec l'intégration du travail manuel, l'atelier d’artisan est devenu un laboratoire au même titre que le lieu de travail d’un chimiste. Les mêmes règles gouvernent ces deux lieux : respect de la santé des travailleurs, efforts pour bien organiser le temps, obligation d’un travail bien fait. Nous fabriquons des bancs ergonomiques pour les écoles publiques, des outils de travail efficaces pour des artisans, des livres bien brochés pour les bibliothèques. Nos ateliers s’efforcent de perfectionner les objets de la vie quotidienne [...]. Quand un travailleur de l'hôpital a besoin d’un nouvel instrument, il met un tablier et s’assoit à côté d’un tourneur et travaille avec lui. Ils s’entraident, puisque chacun a une expérience dans un domaine différent. Ils sont véritablement égaux, parce qu’ils partagent le même but. Ils sont aussi égaux parce qu’ils ne songent point à breveter leur invention pour glorifier leur nom ou - ce qui est souvent perçu comme la chose la plus importante - pour vendre leur innovation à un industriel qui va fixer un prix élevé pour cette invention et ne permettra pas qu’elle se diffuse largement et qu’elle serve le bien commun.”


Korczak insiste également sur l’importance de l’optimisation du lieu de travail, afin qu’il soit plaisant et simplifie les tâches. Pour cela, le recours à la science est primordial. Non seulement, la science permet d’améliorer les procédés, mais l’approche scientifique permet également aux travailleurs initiés de stimuler leur esprit en quête constante de progrès : “Il y a une série de travaux désagréables et perçus comme inférieurs et que personne ne veut faire : par exemple, laver le linge sale. Les gens ont pourtant oublié qu’avec le développement de la technique, cette tâche peut être de nos jours accomplie par une machine, que la « saleté » est une notion esthétique ou métaphysique et pas scientifique et que tout travail efficace et utile peut devenir une source de satisfaction. Chez nous, le tri du linge est fait dans une salle bien éclairée et équipée par de puissants ventilateurs électriques. Les travailleurs du lavoir savent manier les éprouvettes et le microscope, ont regardé des sécrétions et des déchets du corps sous le microscope, connaissent les causes des odeurs émises par des corps humains et le rôle des parasites dans la diffusion des maladies. Il est criminel de forcer les gens - qui autrement risquent de mourir de faim - à travailler dans les lavoirs. Chez nous ce travail, comme tous les autres, est fait uniquement par les volontaires. Dans nos lavoirs, nous conduisons des recherches bactériologiques sur le linge qui vient de notre internat, celui des habitants des logements pour les ouvriers, celui qui vient des maisons privées, celui des institutions charitables, enfin celui de notre asile pour les sans-logis et de notre hôpital. Nous avons graduellement construit un véritable laboratoire du lavoir dans lequel travaillent un chimiste, un biologiste, un technicien et un mécanicien. Le lavoir de l'école est devenu un département à part entière, ayant les mêmes droits et la même importance que d’autres départements et services, ce qui conduit à une véritable émancipation de cette activité. »


L’hôpital est également un lieu où Korczak estime qu’il est nécessaire de mettre en place de réels changements. Pour lui, c’est le meilleur endroit pour apprendre et il serait bénéfique à la société que les hôpitaux deviennent en même temps des endroits d’apprentissage : « La souffrance est si étroitement liée à la vie que, sans l'hôpital, on ne peut même pas concevoir une éducation de base. [...] L’hôpital, c’est le plus beau manuel de sciences naturelles et de sociologie. [...] Il n’y a pas un domaine de la vie qui, ici, sous une pression forte, ne se cristallise pas en un problème perceptible, bien formé, très clair et brûlant. [...] Ceux qui ont considéré le travail des mineurs dans notre hôpital comme une expérimentation monstrueuse ont oublié que notre élève, bien que mineur pour la loi, est souvent plus mûr qu’un jeune médecin avec une tête pleine de théories et vide d’expérience de la vraie vie. [...] De nos jours, l'hôpital, aussi imparfait qu’il soit, coûte trop cher pour être pleinement pris en charge par la municipalité ou la commune. La seule solution est de transformer l'hôpital en une institution d’enseignement général. »


Pour Korczak, l’apprentissage doit impérativement être lié à un objectif auquel l’enfant accorde de l’importance : « Celui qui désire travailler dans le département des conseils juridiques doit apprendre à écrire correctement et d’une manière lisible. Chez nous, l'apprentissage de l'écriture n’est pas un but en soi, mais un moyen. Et il faut voir la vitesse avec laquelle nos enfants apprennent, l'enthousiasme pour maîtriser la grammaire, l'assiduité pour les exercices de calligraphie réputés ennuyeux. [...] L’élève sait pertinemment qu’il ne peut pas avancer sans une bonne connaissance de l'écriture [...] Même s’il se décourage temporairement et abandonne à mi-chemin, il va y revenir dans un an ou deux quand il va grandir, mûrir, plus déterminé et plus conscient. » On évoque ici l’idée selon laquelle il faut laisser l’enfant choisir ses apprentissages en fonction de ses intérêts, et non imposer les mêmes leçons à tous les enfants du même âge.


L’internat : laboratoire démocratique


Dans les internats qu’il dirigeait, Korczak a tenté d’appliquer au mieux les principes pédagogiques qu’il avait défendus dans son livre l’Ecole de la vie. Son traité de pédagogie Comment aimer un enfant (1919) et plusieurs autres de ses publications traitent de son expérience au sein de ces institutions. En tant que directeur de l’orphelinat “Dom Sierot”, il continue d’étudier le comportement et les besoins des enfants. Il défend ardemment l’idée que les enfants sont très semblables aux adultes, si ce n’est dans le domaine des émotions, un domaine, selon lui, à étudier en priorité. 


enfants orphelinat Dom Sierot
Janusz Korczak, Stefania Wilczynska et des enfants à l'orphelinat Dom Sierot (La Maison des Orphelins) - Varsovie

Le premier principe adopté par Korczak fut celui de l’autogestion. Les enfants eux-mêmes prenaient part aux décisions indispensables à l’organisation de l’orphelinat telles que les règles de vie commune (une véritable “Constitution” régissant la vie à l’orphelinat) et la répartition des tâches. Ils étaient même chargés d’évaluer eux-même l’exécution de ces tâches. De cette façon, Korczak appliquait le concept même de démocratie au sein de sa maison d’accueil, un véritable “République des enfants”. Les enfants publiaient également un journal.


Mais Korczak ne s’en tint pas là. Il mit au point un « Tribunal des enfants » qui jugeait les injustices et les fautes commises à la fois par les enfants et par le personnel de l’orphelinat. Korczak lui-même fut parfois jugé au sein de ce tribunal. Si besoin, la punition pour avoir transgressé aux règles était fixée par ce même tribunal. La plupart du temps, il s’agissait de s’excuser et de demander pardon.

Aussi l’éducateur partait-il du principe selon lequel le bon fonctionnement d’un groupe d’enfant passait impérativement pour la satisfaction de plusieurs besoins dont leur repos, leur hygiène et leur alimentation.


Pour conclure, durant toute sa vie, Janusz Korczak a œuvré passionnément pour que les enfants soient plus heureux. L’éducateur appartient incontestablement à cette catégorie de personnes dont l’existence entière semble dédiée aux autres. Sa vie, son œuvre, sa mort ont été guidés par son amour des enfants, celui de l’être humain, de manière générale, et par la conviction profonde qu’il est, selon ses dires, “inadmissible de laisser le monde dans l'état où on l'a trouvé”.



Pour en savoir plus sur Janusz Korczak : 

Une biographie : Betty Jean Lifton, Janusz Korczak Le roi des enfants, Éd. Laffont, France-Loisirs et Presse Pocket poche, 1989.

Un téléfilm : “L’adieu aux enfants”, réalisé par Claude Couderc, France 2, INA, 1980.

Quelques textes fondamentaux de Korczak :

Comment aimer un enfant suivi de Le droit de l'enfant au respect (Broché), préfacé par S. Tomkiewicz, traduit par Z. Bobowicz, Paris, Robert Laffont, 1998

Les Moments pédagogiques, suivi de Moment du journal et journal des moments par J. Korczak, R. Hess, K. Illiade, et L. Colin, Anthropos, Pedagogica, 2006

Journal de Ghetto, Paris, Pavillons, Robert Laffont 1998

Le Roi Mathias Premier, (trad. : C. Lapointe, et M. Wajdenfeld), Paris, Folio Junior, 2004



Article paru précédemment dans la Centrale 366, décembre 2022, pp. 18-24.

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